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Vlan ! Sur cette planète, il y a des attentats à la bombe... Moi, je me contentais de claquer une porte. «  à Monsieur le Directeur, Musée d'Art Moderne, 1 allée du Musée, 59650 Villeneuve d'Ascq. Monsieur le Directeur, Je, soussigné, Clair Sinaasappelsap, résidant 34 bis, rue Picardie à Seclin (59113), vous prie de bien vouloir accepter ma présente démission résiliant mon contrat d'embauche et prenant effet à partir de ce jour, samedi 28 février 2004, etc. » L'entrée du Musée ne s'était jamais refermée aussi vite. Les murs porteurs du bâtiment venaient d'accoucher d'un dodu bonhomme sans préavis : moi - face à la consternation de tous, amateurs plus ou moins avérés d'art et inconscients du génie de ma performance. Un ferme-porte-à-compas-et-crémaillère-droite-pour-portes-simple-action pété, une pelouse mordue, une allée boisée et quelques flaques de boue plus tard, j'étais dans ma bulle-caisse. Calme comme un gaz transporté sous pression constante, je roulais vers le nord. Sans infraction, la main exagérément ferme sur le volant. Route hurlante. Tout dans la tête. Absence de marquage au sol. Attention à nos enfants. J'm'en fichais, j'avais envie de bananes... Sur cette planète, il y a des arrêts-pipi... Moi, je me retenais. Petits détours (toujours au pluriel). Douleur piquante au genou droit, sous la rotule. Deuxième supermarché. Les roues de mon caddie sifflaient Les mots bleus. J'allais en pilotage olfactif, un bolide allant droit dans les ballots de paille et les pneus, vers l'étalage jaune où patientaient les fruits de ma passion. « Droit » : façon de parler. J'étais finalement devant elles, toutes belles et blondes, offertes à mon proche défoulement. J'emballais. La grasse caissière maquillée à la truelle m'envoyait son rictus rock'n'roll. J'emballais et le chariot plein fermait sa gueule. J'achevai de poser la seconde couche de fruits dans le coffre. J'hésitais à mettre les autres sur les sièges arrière. Je savais qu'un seul ralentissement un peu vif était susceptible de les mettre en danger, alors je les posai doucement sur les tapis. Pas l'intention de gaspiller. Je rangeai « Christophe » avec ses semblables pour récupérer mon Euro et le moteur se mit à ronronner. Arrivée à Bray-Dunes ou : à la recherche d'un pack d'eau. Je baignais dans la volupté de leur odeur, un berceau invisible et rassurant. Comment se contenter des petits sapins d'ambiance « vanille étouffante » après cela ? J'avais du mal à m'en arracher mais je ne voulais pas manquer cruellement d'eau une fois la place de parking trouvée. Enveloppé d'une couverture, face à la mer que je ne voyais pas, j'inaugurai un cycle gargantuesque en me saisissant d'un premier fruit. Bruit de plastique ponctuant les beuglements du vent contre l'armature de ma caisse. Je trouvais franchement exagérée l'assimilation de la douceur d'une peau humaine à celle de la pêche. Rien n'est plus doux qu'une banane ! Est-ce que tout ce qui est « blonde » se décapsule ? J'élaguai ma belle pour lui faire une cagoule de ma mâchoire. À la fois molle et cassante, la matière sucrée s'incrustait entre les dents, puis se mettait à fondre. Quand je sentais la pression de mes doigts faire glisser l'enveloppe de mon écorchée sur le bord de mes lèvres, j'ouvrais la portière. Chaque nouvelle recrue m'excitait comme la première et il en fut ainsi jusqu'à ce que le sommeil nous sépare. De jour : la mer. Méditations. Je changeais de stationnement, je me réchauffais, je bouffais, je jetais, je m'hydratais, je dormais. Trois jours passèrent très vite de cette façon. Dès dimanche soir, je me permettais quelques sorties pour approvisionner la place du mort et assouvir quelques besoins naturels. « La fête du slip ». Au coucher du soleil d'un lundi pluvieux, j'opérai un léger ralentissement. Plus de la moitié du coffre était vide. Malgré le système automatique dans lequel je m'étais enfermé, je visualisais du bout des cornées l'occupation future du néant à l'arrière de ma voiture. Ce soir-là, je me mis en quête d'un hôtel pour éventuellement terminer ma course. Je ne sentais pas du tout l'idée d'un retour à Seclin. Je me garai au fond du parc, nerveux, dos à la route. Devant moi : plus de mer du tout. Mardi soir, dernière peau jetée, mains noires et collantes, je me dirigeai furieusement vers l'entrée de l'établissement. La paume sèche, je ne décontractai le poing qu'après l'avoir collé dans la gueule du seul beau gosse accoudé au bar de cet hôtel. Bray-Dunes... Strike ! Quelqu'un nota ma « drôle » de façon de signer le registre. Bonjour quand même... Chambre 18. J'étais soulagé et très déçu. Les valises de mes yeux brûlaient, attendant la moindre autorisation de pleurer. En vain, les vannes... Les bras collés au corps comme une croûte à son fromage. Une curieuse odeur... Quelques neurones piqués à vif m'ordonnaient de chercher le sommeil. Battu, je ne me déshabillais pas, devant ce lit qui me tombait dessus. Peut-être faire trembler les murs, encore une fois. En tout cas : j'allais vomir. Noir. Ma tête était enfoncée dans une machine. Je craignais pourtant que cette partie de mon corps ne soit avalée seule. Les blouses blanches m'avaient conseillé de garder les yeux fermés, de me détendre, encore mieux : de me projeter dans un endroit agréable. Vrombissante ruche attaquée. Chaise électrique. Que du bonheur !  Plus tard, je me retrouvai « pleins phares » au bout du stylo, sur l'écran de contrôle post-examinateur montré par le spécialiste. J'aurais tout donné pour ne jamais avoir été planté là-dedans. « Est-ce que vous voyez la petite tache brune en forme de banane, Monsieur Sinaasappelsap ? » me demandait le médecin. J'avais signé ma démission : « Chiquita ». Coma. Peaux de Cetusss, PARADE n°4 Hors série : Un Pas de nuit et autres nouvelles.

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Tondre trois heures durant, sans chaussure sous un ciel clignotant. Mille piqûres sous la plante de chaque pied bouffé par la chlorophylle. Les stigmates verts. Je n'ai pas marché sur les insectes, je n'ai pas marché sur les insectes, je n'ai pas marché...

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Encéphalogramme presque plat. Une étincelle qualifiée d’un adjectif terminé par « âtre ». Mercredi ? Quelle heure était-il ? Mon corps se réveillait, mouvements lents. Le cerveau percevait les impulsions électriques du prépuce ; il se décollait de sa poche de coton à l’identique de ma lèvre inférieure qui s’arrachait de l’affreuse couverture en laine. Mes dents baignaient dans la pourriture. Dans cette odyssée « ushuaiesque », j’atteignais peut-être l’étape nommée « purge ». Je m’avançais vers la cabine de douche quand on frappa à la porte. La police voulait me poser juste quelques questions, Monsieur Sinaasappelsap. Montrer mon être caillé ou fuir ? Fuir où ? Le coup de poing ou les peaux de bananes ? Un bruit sec et vif de frottements métalliques : la chambre s’éventra, des képis partout. Où est passé votre ravisseur ? Euh… Monsieur, quel jour sommes-nous ? Mercr… ? Non, pas du tout… Apportez-lui des vêtements convenables ! Monsieur, avez-vous subi des violences sexuelles ?

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« Elvisss, mon filsss » édité en 800 exemplaires par cARTed. (carted.free.fr)

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En riant, elle nous étale à la terrasse ensoleillée d’un café lillois les symptômes de sa maladie, et je me replie sur moi, honteux de reconnaître chez moi chaque manifestation extérieure de mon sang souillé. J’ai cette maladie honteuse appelée « gratouille ». Je me réveille.

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La nuit et le jour se succèdent, calquant le fonctionnement d’une ampoule de guirlande. Un road movie sans nuage. Je parcours champs de lavande, routes sèches et terreuses à bord de ma Cadillac bleue décapotable. J’escorte tantôt la flamme, tantôt le ballon dans les airs, rasant la route à un tout petit mètre au-dessus de ma tête. Identité inconnue du pilote avec qui je communique quasi-télépathiquement. Je me coiffe du souffle de ses déplacements, m’empiffre de la combustion de son essence. L’aimer comme la mort d’une allumette. Je vole presque, accroché au panier, embrassant le monde.

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Kk n'existe physiquement pas, pas de visage, pas d'adresse postale. Kk habite l'esprit de ceux qui l'on rencontré. Seule une adresse électronique permet d'entrer en contact avec la réalité virtuelle des merdes de k. C'est ainsi qu' Elvisss a rencontré K, seul Elvisss pouvait le faire, Elvisss a cette particularité très rare, quintessence même de son existence, de pouvoir emprunter des chemins gainés de cuivre... Elvisss est venu chez K. K a pris son pied (en photo). Puisse K faire partie de sa communauté !... Chacun voit en Elvisss le reflet de sa propre obsession, névrose. Pour moi c'est une tache de « merde ». (Baptiste, n'oublie jamais de remplacer (ou pas) le mot « merde » de mes propos par un des deux mots que K a décidé de remplacer systématiquement ce mot). -- Email "K2" de K. www.merde.biz

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Hier, une grosse guêpe, recroquevillée, gisait près de mon bureau. Je l'ai posée sur mon bloc-notes.

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Prisonnière d'un mouton derrière le ventilateur de la tour de mon PC : une nouvelle morte... Bientôt des millions d'essaims déferleront le ciel du jardin pour mourir dans ma chambre.

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Je suis sur l’autoroute, vers le Nord. Une voiture me double, immatriculée en 78. Je sens que je connais son conducteur. Elle me double, je vois Katherine à son bord. Elle a les cheveux courts, me fait penser à Karine Viart dans Les Randonneurs. Elle me reconnait. Je m’arrête sur un zébra et freine jusqu’à la fin, limite, risque, risque près d’un arrêt de bus. Elle se gare derrière moi, je fais un peu de marche arrière pour la rejoindre. Je sais qu’elle sait qu’elle allait me trouver. « Baptiste, j’ai une grande nouvelle à t’annoncer, j’ai les Colocataires d’M6 en canevat… ». Plus tôt dans le rêve, de nuit sur le toit d’un hôpital ou d’un building américain, j’étais caché derrière une télévision à compter un nombre de feuilles pour faire des invitations au fur et à mesure que mon boss me le demandait. Une jeune femme aux cheveux rouges derrière moi évitait les balles d’un sniper. J’esquivais aussi les balles. Il y avait un hélicoptère, on ne s’entendait pas. On était obligés de nous gueuler dessus. Mon unique tâche était de protéger cette fille mais surtout de faire les invitations pour le prochain spectacle… 11 à faire, puis 5 nouvelles, puis 11 à nouveau… Soudain, il paraissait logique que la télévision derrière laquelle je me cachais fût piégée ; des bras se posèrent sur ma tête et BOUM. Quatre balles de plexiglas enferment chacune le cadavre recroquevillé d’une guêpe. Le temps s’arrête pour laisser geler sur le visage du tireur l’expression d’une pleine satisfaction face à la direction de son tir et les quatre projectiles en suspension dans les airs. Quelqu’un les « décroche », sauve la vie d’un autre et appuie sur la touche « play » du défilement du temps. Une babiole en terre cuite perd la tête, et notre tee-party est gâchée. La fée bleue ordonne au tireur de la suivre. Je sais qu’elle va gentiment lui passer un savon, un savon mauve au parfum de lavandes. Je me réveille.